La loi EGAlim : décryptage

Votée définitivement le 2 octobre 2018 après moult débats et points de divergence, la loi EGAlim va progressivement se mettre en place au cours de l’année. Plébiscitée par certains, décriée par d’autres, elle apporte son lot de nouveautés avec lesquelles les marques et les distributeurs vont devoir composer. Mais quelles sont les conséquences réelles pour les différents acteurs du secteur ? Focus sur les nouvelles mesures, leurs impacts, et les opportunités qui les accompagnent.

Les mesures législatives adoptées via la loi EGAlim

La loi EGAlim détaille une multitude de mesures qui vont régir les relations commerciales entre les agriculteurs et leurs acheteurs.

Les dispositions mentionnées dans le titre I de la loi concernent essentiellement les contrats, la majoration du Seuil de Revente à Perte (qui obligera les distributeurs à réaliser une marge de 10% minimum sur certains produits) et l’encadrement des promotions. Elle autorise également le gouvernement à prendre des mesures de modification du Code de Commerce par voie d’ordonnance.

Le titre II contient lui des dispositions pour une alimentation saine, durable et accessible à tous. Outre ces mesures phares, la loi prévoit la mise en place d’une étude sur la rémunération des services environnementaux rendus par les agriculteurs, afin de valoriser les externalités positives de l’agriculture française. Elle encourage également les agriculteurs à se regrouper, pour peser plus lourd face aux grands groupes et aux centrales d’achat.

Les applications concrètes de la loi EGAlim

Le contexte européen, les acteurs et les produits les plus touchés

Au niveau européen, la France n’est pas le pays le plus impacté par cette nouvelle loi. En effet, selon une étude réalisée par Nielsen, le poids du chiffre d’affaires réalisé sous promotion en France atteint les 22%, ce qui est relativement moindre en comparaison à ses voisins européens : jusqu’à 55% en République-Tchèque. L’impact de la loi se mesure aussi différemment selon la taille des surfaces de vente et la catégorie de produit. Ainsi, les hypermarchés de plus de 7500 m² et les drive devraient connaître plus de difficultés : la valeur de leurs ventes réalisées sous promotions atteint en effet les seuils les plus élevés. En termes de produits, les surgelés sucrés, les boissons alcoolisées ou encore les produits d’entretien par exemple font partie de ceux qui réalisent la plus grande part de leur chiffre d’affaires sous promotion. Les produits saisonniers et sujets à l’achat d’impulsion vont aussi être fortement touchés par la loi : le foie gras par exemple, qui réalise 71,5% de son chiffre d’affaires sous promotion. Au total, le montant total des ventes sous promotions qui ne respectaient pas les conditions de la nouvelle loi avant son adoption s’élève à 1,3 milliards d’euros.

Les conséquences pour les marques et les distributeurs

La loi EGAlim encadre donc désormais les promotions tant en volume qu’en valeur. Les promotions ne pourront dépasser les 25% du volume total des produits d’une même catégorie, et 34% de sa valeur. Les réductions maximales diffusées sur les prospectus et en magasin seront donc bien moindres qu’auparavant, ce qui risque d’impacter lourdement le volume du trafic en magasin. L’alimentaire est le secteur le plus exposé, puisque l’estimation des pertes engendrées avoisinerait le demi-milliard d’euros sur un an. Ainsi, les prix des produits sujets à la loi devraient donc augmenter, mais cela au bénéfice des agriculteurs et des fournisseurs de matières premières. Autre mesure phare : la nouvelle législation interdit l’usage du terme « Gratuit » par les marques et les distributeurs pour certaines catégories de produits, mais pas ses synonymes tels que « offert », « gratis » ou « gratos ».

Ce qui va changer pour les consommateurs

Le pouvoir d’achat des consommateurs sera également touché. Par exemple, on pourrait estimer un manque à gagner qui s’élèverait à 1 904€ par an pour un consommateur qui achèterait l’ensemble des ventes promotionnelles proposées sur les prospectus E. Leclerc.

Sachant que la part des ventes additionnelles atteignent +76% pour les promotions supérieures à 40%, les distributeurs vont devoir modifier leurs stratégies pour combler le manque à gagner.

Les opportunités à saisir pour les marques et distributeurs

On peut aisément imaginer que les marques et les distributeurs vont faire la part belle aux animations commerciales et aux opérations événementielles. Les budgets auparavant consacrés aux promotions pourraient progressivement être transférés vers des événements plus importants autour des produits, afin de susciter l’enthousiasme des consommateurs. La participation et l’implication de ces derniers dans des opérations d’animation commerciale prennent ici tout leur sens, dans l’objectif d’engager les individus et de les fidéliser. On assistera probablement aussi à une meilleure personnalisation de la promotion avec l’avènement du digital et des nouvelles technologies adaptées aux points de ventes, qui devraient rapidement apporter de nouvelles expériences d’achat, ainsi que de nouvelles configurations des parcours et expériences clients sur les lieux de vente.

Les mutations du secteur induites par cette loi EGAlim vont donc apporter leur lot de nouveautés pour les marques et les distributeurs, mais elles constituent aussi pour eux une opportunité de se développer différemment et d’expérimenter de nouvelles expériences d’achat.

Carine Travers